Post Image

Edward Isaac, CEO d’Aaron : « l’entrepreneur crée ses propres règles »

30 milliards, c’est le nombre de tickets de caisse, de carte bancaire et de bons d’achat imprimés chaque année en France. Le 10 février 2020, la loi « AGEC », relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, prévoit que l’impression du ticket de caisse ne sera plus systématique. Et depuis le 1er août dernier, vous l’avez peut-être remarqué : vous pouvez sortir d’un magasin sans ticket de caisse. Mais que faire en cas de problème avec le produit récemment acheté ?

La numérisation des tickets de caisse via l’application Aaron

Certains ont trouvé la solution : numériser les tickets de caisse. C’est le cas d’Edward Isaac. En 2021, il crée Aaron, une application mobile qui permet de recevoir et de centraliser instantanément tous les tickets de caisse. L’innovation de ce start-upper de 29 ans devrait permettre « de diviser par trois l’impression de papier d’ici 2030 », lit-on sur sa page LinkedIn. Deux ans auparavant, alors qu’il étudie en master Risk & Management, il travaille aussi en tant que caissier chez Ikea. C’est là qu’il remarque que quasiment tous les tickets de caisse qu’il tend aux clients finissent à la poubelle. Un véritable gâchis, songe Edward.

Son idée germe en 2015, lors d’un voyage à Haïti. Ayant des origines haïtiennes, il a été marqué par le séisme qui a fait plus de 230 000 morts à l’époque. Pour lui, c’est le déclic : il doit aider les gens, d’une manière ou d’une autre. Sensible aux problèmes environnementaux, l’entrepreneur décide d’agir.

« Quand tu lances ta boîte, tu es comme un bébé qui apprend à marcher »

Rien ne prédestinait Edward à devenir entrepreneur. Né à Paris, il grandit à Cergy dans le Val d’Oise. Sa mère est sage-femme, son père, chauffeur de taxi. Le couple aura huit enfants, et Edward est le septième. « Être issu d’une famille nombreuse est une chance, considère l’entrepreneur. Tu dois tout partager, et apprendre à ne pas être toujours au centre de l’attention. » D’un tempérament énergique, Edward a testé de nombreuses activités sportives : football, judo, boxe anglaise… « Mais dès que j’ai compris que je ne passerais jamais professionnel, j’ai décidé de mettre mon énergie ailleurs. » Car Edward est comme ça : avec lui, c’est tout ou rien. Et ce qu’il veut par-dessus tout, c’est être le meilleur dans son domaine.

« Quand tu lances ta boîte, tu es comme un bébé qui apprend à marcher. Au début, tu tombes. Souvent. » Mais tomber est loin d’être une perte de temps. Car faire des erreurs, dans le monde de l’entrepreneuriat comme dans la vie en général, est primordial pour évoluer. Néanmoins, avant de se lancer, Edward a traversé des périodes de doutes. Son obstacle principal, selon ses mots, était une espèce de « barrière mentale ».

Comme la glorification de la filière générale a la dent dure, il a suivi cette direction. On lui a inculqué qu’il valait mieux rester dans les clous. Études, formation, master… La voie était toute tracée, il n’y avait pas de questions à se poser. Alors, quand il a décidé de quitter son emploi pour créer sa propre boîte, au début son entourage n’a pas compris. C’était considéré comme un risque inutile. Mais Edward, têtu, a fini par faire ce qu’il voulait.

Avant de vouloir devenir influenceur, il faut se mettre au travail

Et puisqu’il est persévérant, son travail a fini par payer. Aujourd’hui, il intervient même dans des écoles au niveau master pour donner des cours de start-up. Pour quelqu’un qui veut aider les autres, c’est l’idéal. Car, pour Edward, les étudiants sont perdus. « Certains arrivent en master sans savoir ce qu’ils veulent faire vraiment. La plupart d’entre eux sont absorbés par les influenceurs. Mais ce qu’il faut avant tout, c’est travailler. » Son conseil ? Test and Learn.

Lors de ces cours, il explique aussi que l’erreur commune chez les débutants, c’est le fait de planifier énormément en avance. Un résidu d’apprentissage dans la filière générale. Alors que le plus gros du travail, c’est de sortir son produit minimum viable, ou MVP en anglais : Minimum Viable Product.

Introduit par l’entrepreneur américain Eric Ries dans son ouvrage The Lean Startup, le concept de MVP (Minimum Viable Product) est défini comme un process qui « permet à une équipe de récolter un maximum d’apprentissages validés à propos de ses clients en un minimum d’effort. »

Une vision du monde en pleine évolution : entre technologie et écologie, quel équilibre ?

Edward fait toujours en sorte de maximiser son temps. Car, « le temps est précieux ». Alors, pour ne pas perdre une seconde, il utilise l’Intelligence Artificielle à son avantage (Midjourney, Chat GPT…) Il dit les utiliser pour remettre en place ses idées. « Notre vision du monde a changé. Ce changement vient aussi avec les outils qu’on utilise. »

En effet, le changement se fait sentir, surtout au niveau écologie : le réchauffement climatique inquiète de plus en plus les jeunes générations, et on cherche des alternatives à nos modes de consommations. À l’annonce de la numérisation des tickets de caisse, des experts se sont demandés si c’était une bonne idée.

D’après l’association Alliance Green IT, la production d’un ticket de caisse numérique ne consommerait “que” trois centilitres d’eau, soit deux de moins qu’un ticket au format papier. En revanche, sa production émettrait 5 grammes de gaz à effet de serre, c’est-à-dire trois de plus qu’un ticket traditionnel. Mais ces estimations ne prennent pas en compte toutes les évolutions ultérieures du matériel numérique. Alors, pour l’instant, les ambitions écologiques de la numérisation du ticket de caisse restent à prouver.

Héloïse Pieragnoli

Diplômée de l’école de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM), Héloïse Pieragnoli a intégré par la suite la Google News Initiative, où elle a pu renforcer son écriture web. Aujourd’hui rédactrice pour La Gazette de l’Entrepreneur, elle est également bénévole au sein de La Chance, pour la diversité dans les médias. Une structure qui l’avait soutenu dans le passé, afin d’accomplir son projet professionnel.