Le soulagement collectif suite à l’annonce du ralentissement de l’inflation fut de courte durée. En effet, à compter de ce 1er août, les Français vont devoir faire face à une nouvelle augmentation des tarifs réglementés de vente de l’électricité. Comme l’inflation ralentit (avec un taux annuel de la zone euro a en baisse en juillet, tombant à 5,3% après 5,5% en juin et 6,1% en mai), le gouvernement met fin au « bouclier tarifaire » sur l’énergie. Ce dernier avait été établi pour faire face à l’augmentation brutale des prix, liée à la guerre en Ukraine.
5 milliards d’euros : le coût du bouclier tarifaire
Le gouvernement, sous pression pour diminuer le coût du bouclier tarifaire (qui pèse 5 milliards d’euros net sur les finances publiques), l’avait annoncé dès le 18 juillet : les tarifs réglementés de l’électricité (TRV) devront augmenter de 10%. Au passage, l’exécutif a saisi le Conseil supérieur de l’énergie (CSE), une instance de concertation rassemblant associations de consommateurs, syndicats mais aussi entreprises productrice ou consommatrices. Selon les calculs du gouvernement, la facture annuelle d’un consommateur moyen chauffé à l’électricité passera de 1640 à 1800 euros par an.
Si cette décision paraît sévère, il faut garder à l’esprit que la note aurait pu être encore plus salée. Car la Commission de régulation de l’énergie (CRE) avait estimé que la hausse des coûts supportés par les fournisseurs d’énergie devrait impliquer une augmentation des TRV de 74,5%. Donc, le bouclier tarifaire sur l’électricité, qui s’éteindra d’ici fin 2024, viendra atténuer la facture des ménages et des petites entreprises. « On paie encore le prix de la crise énergétique de l’année dernière », a notamment expliqué la présidente de la CRE Emmanuelle Wargon sur France info la semaine dernière.
Le gouvernement rappelle toutefois que l’État continuera de prendre en charge plus d’un tiers de la facture des ménages (37 % contre 43 % actuellement), garantissant aux Français un tarif parmi les plus bas en Europe. Une mesure qui concerne les ménages et petites entreprises raccordés à un compteur d’une puissance inférieure 36 kilovoltampères.
Mais l’annonce de cette nouvelle hausse inquiète les plus modestes, toujours confrontés à une inflation élevée dans l’alimentaire. Viande, poisson, légumes mais aussi vêtements. Pour moins consommer, certains optent pour la préparation de plusieurs repas en une cuisson, pour moins consommer.
Cette crise de l’énergie, à quoi est-elle due exactement ?
Plusieurs responsables ont tour à tour été désignés pour expliquer la crise des prix de l’énergie : Vladimir Poutine d’abord, notre dépendance aux énergies fossiles ensuite… Mais il pourrait y en avoir un autre : le marché.
En effet, la flambée du prix des électrons (dû à l’ouverture du secteur électrique aux mécanisme de marché et à la concurrence) a obligé les Etats à dépenser des dizaines de milliards d’euros afin de protéger les consommateurs (comme, par exemple, le bouclier tarifaire français). Dès fin 2021, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, déclarait qu’ « en France, on s’approvisionne en électricité à partir des centrales nucléaires et de l’énergie hydraulique. On a donc une énergie décarbonée et un coût très bas, mais le marché (…) fait qu’il y a un alignement des prix de l’électricité en France sur les prix du gaz. »
le marché, seul responsable de la crise de l’énergie ?
Néanmoins, pour Hélène Gassin, présidente de l’association NegaWatt, le marché ne peut pas être seul responsable de cette crise de l’énergie, qui serait multifactorielle : « La principale raison est la dépendance au gaz du système électrique européen, assène l’experte. C’est le deuxième moyen de production de l’électricité à l’échelle des Vingt-Sept, avec une part de 19 % en 2021. Les prix du gaz ont commencé à augmenter dès le second semestre 2021 sur fond de reprise post-Covid, puis se sont envolés avec la guerre en Ukraine. Cela s’est répercuté sur le prix de l’électricité. »
Une idée contrecarrée par Anne Debrégeas, économiste et porte-parole de Sud Energie, qui considère que la répercussion du prix du gaz sur celui de l’électricité provient directement des mécanismes du marché. Car à la fin de l’année 2021, alors que les prix de l’électricité s’envolaient, les coûts du système électrique français (production, import/export et réseau), n’avaient augmenté que de 4% sur l’année. Anne Debrégeas explique : « Il faut rappeler comment se fixe le prix de marché. Pour répondre à la demande, les différents moyens de production sont appelés sur le réseau européen du moins cher au plus cher. C’est la dernière centrale appelée en Europe, celle disponible pour fournir un kilowattheure (kWh) supplémentaire, donc la plus chère, qui fixe le prix pour tout le marché européen. Il s’agit en général d’une centrale à gaz. Quand bien même elle ne fournirait que 1 % de la production à chaque heure, elle déterminerait 100 % du prix de l’électricité. »
Mais si les énergies renouvelables étaient augmentées dans le pays, cela permettrait-il de contrer notre dépendance à un prix incontrôlable d’un combustible fossile ?