La semaine prochaine, le Parlement commence l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Ce texte prévoit les dépenses et les recettes de l’État français pour l’année suivante. À cette occasion, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, annonce un plan massif. Pas moins de 10 milliards d’euros d’économies sont ainsi prévues pour l’année prochaine.
Une mesure inédite sous le mandat d’Emmanuel Macron
Dimanche 18 février, sur le plateau de TF1, Bruno Le Maire a brandit un chiffre colossal. 10 milliards d’euros d’économies « immédiates », représentent en réalité 2% seulement du budget de l’État. Si cela semble dérisoire, c’est bien la première fois qu’un tel tour de vis au niveau des dépenses publiques est annoncé sous le mandat d’Emmanuel Macron.
Aux grands maux les grands remèdes. Après la pandémie du Covid en 2020, le budget de l’État a augmenté, passant de 330 milliards d’euros en 2019 à 455 milliards en 2023.
Et au vu du contexte international morose (guerre en Ukraine, au Moyen-Orient, le ralentissement économique en Chine et la récession de 2023 en Allemagne), Bruno Le Maire a dû revoir à la baisse sa prévision de croissance de la France pour 2024, passant d’1,4% à 1%.
Pour ce faire, cinq milliards d’euros seront prélevés sur la gestions de tous les ministères. Cinq autres concerneront le budget des opérateurs de l’État.
D’où vient ce Projet de loi de finances ?
L’examen du PLF pour 2024 par la commission des Finances de l’Assemblée nationale est prévu à partir de mardi prochain, avant le débat en plénière qui débutera le 17 octobre.
Le texte PLF 2024, présenté par le gouvernement en Conseil des ministres, envisage 349,4 milliards d’euros de recettes pour l’année prochaine. Néanmoins, il fixe les dépenses à 491 milliards d’euros.
Trois chantiers seront prioritaires : la transition écologique (+ 7 milliards d’euros de crédits), les postes régaliens, c’est-à-dire l’armée, la police et la justice (+ 4 milliards d’euros), et l’éducation et la formation (+ 5,5 milliards d’euros).
La préparation du budget
Le PLF est préparé chaque année par le gouvernement. Après une série de discussions internes organisées entre janvier et juin, il détermine le montant total des dépenses programmées et des recettes attendues.
Pour y parvenir, il s’appuie sur des prévisions économiques, qui sont réalisées pendant l’été par la direction générale du Trésor, une branche du ministère de l’Économie. Le projet de budget est ensuite transmis pour avis au Haut Conseil des finances publiques, un organisme indépendant, qui est chargé d’en apprécier le réalisme.
Le texte est également soumis au Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative en France, afin d’en garantir la sécurité juridique. Après avoir été adopté en Conseil des ministres en septembre, le PLF est déposé à l’Assemblée nationale au plus tard le premier mardi d’octobre.
Le Parlement dispose d’un maximum de 70 jours pour amender le texte puis l’adopter. Une fois voté, avant le 31 décembre, le PLF devient une « loi de finances initiale ».
Le déficit budgétaire
Les recettes de l’État sont principalement issues des prélèvements obligatoires (impôts et taxes). Les dépenses comprennent les dépenses de personnel, de fonctionnement, de mise en œuvre des politiques publiques, d’investissement et de remboursement des intérêts de la dette de l’État. Lorsque les recettes de l’État sont inférieures à ses dépenses, il en résulte un déficit budgétaire.
Les États membres de l’UE sont tenus de limiter leur déficit public à 3 % de leur PIB (la production totale de biens et services) depuis le traité de Maastricht, adopté en 1992, afin de garantir la stabilité de l’économie européenne. Le déficit public intègre, en plus du déficit de l’État, celui des collectivités territoriales et des organismes de la Sécurité sociale. Depuis 1992, la France a respecté cette règle à seulement neuf reprises, la dernière fois en 2019.
En raison de la pandémie de Covid-19 puis de la guerre en Ukraine, les règles européennes de discipline budgétaire ont été suspendues en mars 2020, mais s’appliqueront à nouveau en janvier 2024. Or, pour 2024, le gouvernement prévoit un déficit public de 4,4 %.
La réduction des dépenses
Pour réduire le déficit public, un gouvernement peut augmenter les impôts – ce que le gouvernement français a exclu – ou diminuer les dépenses.
Bruno Le Maire a prévu de les réduire de 5 milliards d’euros l’an prochain, surtout en mettant fin à des dispositifs adoptés pendant la crise sanitaire, tels que le bouclier tarifaire sur l’énergie. En raison de l’inflation, le gouvernement prévoit de réduire les dépenses pérennes (hors dispositifs ponctuels) à partir de 2025 seulement.
Pour y parvenir, Bruno Le Maire a déjà prévenu qu’une « réflexion globale » devrait être menée « sur les missions de l’État ». Selon la « loi de Wagner », issue des travaux de l’économiste allemand Adolph Wagner (1835-1917), la part des dépenses publiques dans le PIB s’accroît avec le temps.
« Plus la société se civilise, plus l’État est dispendieux », écrivait-il. L’État doit, selon lui, répondre à de nouveaux besoins en matière d’infrastructures, de sécurité ou d’éducation. Dans ce contexte, le seul moyen de ne pas creuser le déficit budgétaire est d’augmenter les impôts ou de se désinvestir de certaines missions.
L’endettement
Pour financer son déficit, l’État emprunte de l’argent sur les marchés financiers. Le gouvernement français prévoit de lever l’an prochain 285 milliards d’euros, un montant record, dont une partie permettra aussi de rembourser des prêts arrivés à échéance.
Cette somme est empruntée via l’émission d’obligations, qui donnent lieu au paiement annuel d’un intérêt. En raison de l’inflation et de l’augmentation des taux directeurs décidée par la Banque centrale européenne, l’État français emprunte à des taux de plus en plus élevés.
La charge de la dette, soit le montant consacré au paiement de ces intérêts, redeviendra le premier poste de dépenses de l’État en 2027, selon les projections du gouvernement. Elle l’a déjà été de 2012 à 2014. La dette publique française reste toutefois soutenable, a affirmé l’économiste Éric Heyer la semaine dernière aux Échos.
« Nous évitons l’effet boule de neige sur la dette », qui intervient lorsque le taux d’intérêt moyen de la dette est supérieur au taux de croissance du PIB en valeur. Lorsque cet effet se réalise, les charges d’intérêt rendent la dette incontrôlable et celle-ci augmente à la manière d’une boule de neige qui grossit en roulant.