La période de déclaration de l’impôt sur la fortune immobilière, ou IFI, s’est terminé le 10 juin dernier. Un dispositif, nommé don IFI, permettait cette année une réduction fiscale non négligeable. En effet, toute personne donatrice à une fondation d’utilité publique (telle que la Croix-Rouge, ou la fondation Abbé Pierre) peut réduire jusqu’à 75% le montant de son impôt, plafonné à 50 000 euros.
À l’origine de l’IFI : l’IGF
« À droite comme à gauche, il y a toujours eu la crainte d’assumer complètement les modifications de cet impôt. La droite a toujours été tétanisée d’apparaître comme faisant des cadeaux aux plus fortunés. Et symétriquement la gauche a toujours eu un peu l’angoisse d’être taxée de démagogue, d’avoir une démarche antiéconomique, de faire fuir ceux qui créent la richesse. » C’est en ces termes que l’enseignant-chercheur en droit public à l’Université Paris-II Panthéon-Assas désigne l’impossible consensus politico-économique sur la taxation des plus riches.
Souvenez-vous, l’ancêtre de l’IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière), c’était l’IGF (Impôt sur les Grandes Fortunes). Créé en 1981 par François Mitterrand, cet impôt est supprimé en 1986 pour réapparaître deux ans plus tard sous la forme de l’ISF (Impôt de Solidarité sur la Fortune). Enfin, en 2018, Emmanuel Macron décide de remplacer l’ISF par l’IFI.
L’argument principal derrière la suppression de l’ISF, c’est que la richesse des plus riches contribuerait à la richesse de tous. En somme, la « théorie du ruissellement ». Cécile Bonneau écrit, dans la revue Regards croisés sur l’économie : « En théorie, les fonds libérés par la suppression de l’ISF devraient être réinjectés dans l’économie, sous forme d’investissement ou de consommation, ce qui bénéficierait au plus grand nombre. » Somme toute, le gouvernement voulait créer un environnement favorable pour les investisseurs français et étrangers. Le but étant de freiner l’expatriation des français les plus riches vers l’étranger, afin de fuir les impôts. Par cette mesure, le gouvernement voulait également mettre en place une simplification de la fiscalité avec ce qu’on appelle le PFU (Prélèvement Forfaitaire Unique).
Comment réduire son impôt sur la fortune immobilière ?
Depuis 2018, l’Impôt sur la Fortune Immobilière est conçu spécialement pour les personnes détenant un patrimoine immobilier net supérieur à 1,3 million d’euros. Pour être plus précis, le patrimoine immobilier pris en compte par les services fiscaux correspond à la valeur de marché des actifs immobiliers à usage privé, diminuée des abattements, décotes et dettes déductibles. Mais les personnes concernées pouvaient agir sur le montant de l’impôt à payer en faisant un don à un organisme, qui ouvre droit à la réduction appelée « IFI-don. »
Cette année, les personnes redevables de l’IFI avaient jusqu’au 10 juin 2023 pour alléger leur impôt patrimonial. Pour obtenir une réduction de l’IFI, il faut effectuer un don à une fondation reconnue d’utilité publique, ou bien à des établissements d’intérêt général à but non lucratif. Parmi ces derniers figurent les organismes de recherche, d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique, ainsi que l’Agence nationale de la recherche (ANR) et certaines fondations universitaires.
Si certains assurent que la générosité serait la principale motivation des donateurs, la question financière reste néanmoins non négligeable. En effet, cette année, la réduction de l’IFI est égale à 75% des dons effectués. Le plafond du montant est situé à 50 000 euros, c’est-à-dire que les versements dépassant cette limite ne donnent pas droit à la réduction d’impôt.
Concrètement, qu’est-ce que ça signifie ? Si l’IFI dû est de 10 000 euros, et que le donateur verse 4 000 euros à un organisme agréé, alors il pourra retrancher 75% de ces 4 000 euros (soit 3 000 euros) de son IFI.
Procédures compliquées ? Les associations éligibles peuvent aider
Si la procédure a l’air compliqué, les donateurs ont pu s’appuyer sur les associations et autres fondations éligibles, qui se sont mises en quatre pour leur expliquer le fonctionnement, et rendre la démarche la plus simple possible. Lydia Barès-Roques, la directrice générale de l’agence de fundraising Hopening, explique : « Les organismes lancent souvent des campagnes de sensibilisation entre fin mars et le 10 juin, qui est la date limite pour les déclarations fiscales. Ce sont généralement des campagnes multicanal, avec, par exemple, des sites web dédiés à l’IFI ou des landing page IFI sur leur site. »
C’est ce qu’ont fait les Restos du coeur, avec une page de don figurant sur leur site et un QR code sur leur mailing afin de moderniser l’appel aux dons. Jacques Fredj, directeur général du Mémorial de la Shoah, a lui aussi misé sur le numérique : « nous avons mis en place une plateforme digitale pour permettre de faire des dons rapidement et efficacement. Et en période de déclaration de l’IFI, notre activité de sollicitation auprès de nos donateurs est plus intense. »
Certains organismes font en sorte que les potentiels donateurs puissent avoir un interlocuteur, voire même une équipe entière à leur disposition. C’est le cas de la fondation Apprentis d’Auteuil, qui a élaboré une stratégie spéciale pour les donateurs. « une équipe « philanthropie » composée de trois personnes est chargée d’identifier de nouveaux donateurs, particulièrement au moment de la déduction fiscale sur l’IFI » confie Aymeric Lavin, responsable philanthropie au sein de la fondation Apprentis d’Auteuil.
Malgré toutes ces bonnes intentions, ces cellules de conseil peuvent être superflues, étant donné que les donateurs sont déjà très bien conseillés sur le plan fiscal : expert-comptable, conseiller en gestion de patrimoine… Néanmoins, la plupart du temps, ces interlocuteurs dédiés peuvent s’avérer très utiles pour ceux qui font leurs premiers dons, ou qui ne sont pas familiers avec les arcanes de la fiscalité.
Chiffres des dons ISF en baisse depuis 2017
Ces fonctions de conseil sont d’autant plus importantes que depuis le remplacement de l’ISF par l’IFI en 2018, la générosité liée aux réductions fiscales a considérablement chuté. Selon la Direction générale des finances publiques, en 2017, dernière année où l’ISF était encore actif, il concernait 358 198 ménages et avait rapporté plus de 4,2 milliards d’euros. En 2019, l’IFI ne concernait plus que 139 149 ménages (153 000 aujourd’hui) et n’avait rapporté que 2,1 milliards d’euros.
Donc, le gouvernement a réussi à réduire le capital. Mais peut-on être sûrs que les effets soient positifs ? Michael Jaffe, du Senior Counsel chez FTPA, fait le constat suivant : « Il y a eu investissement dans les entreprises, et une création des dividendes qui ont explosé avec un accroissement d’à peu près 10 milliards d’euros. Mais nous ne pouvons pas faire de corrélation directe entre le passage de l’ISF à l’IFI et l’investissement dans les entreprises. »