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Le rappeur MHD condamné à 12 ans de réclusion criminelle

« J’ai pas connu la défaite depuis mon existence. » L’auteur de ces mots, le rappeur MHD, a été condamné à douze ans de réclusion criminelle pour meurtre. 

Samedi 23 septembre, après plus de deux semaines de procès, le parquet de Paris a rendu ce verdict, alors même que MHD (de son vrai nom, Mohamed Sylla), continue de contester les faits. Cinq autres accusés ont aussi été condamnés à des peines allant de dix à dix-huit ans de prison. La peine maximale a été infligée à un accusé qui est en fuite : son ADN avait été détecté sur un couteau retrouvé sur la scène du crime. Trois autres hommes ont été acquittés. 

À l’énoncé du verdict, plusieurs femmes présentes dans le public, proches des accusés, ont éclaté en sanglot. Mohamed Sylla est resté stoïque, avant d’étreindre une femme en pleurs. Il reste une semaine aux condamnés pour faire appel de cette décision. « Depuis le début, je clame mon innocence dans cette histoire et je continuerai à clamer mon innocence », avait asséné l’artiste avant que la cour ne se retire pour délibérer.

Mais au vu de la « gravité criminologique » des faits, comme l’a estimé l’avocat général Jean-Christophe Muller dans son réquisitoire, il y a peu de chances pour que le parquet de Paris révise son jugement. « Dix contre un », « au moins deux couteaux », « une multitude de plaies »… L’avocat général a évoqué un meurtre sanguinolent.

Un meurtre d’une violence inouïe 

Dans la nuit du 5 au 6 juillet 2018, un jeune homme de 23 ans, Loïc K., meurt après avoir été renversé volontairement par une Mercedes dans le 10ème arrondissement de Paris, puis passé à tabac par une dizaine d’hommes et lacéré à coups de couteau. Sur son corps, les légistes dénombreront vingt-deux plaies par arme blanche. Un jour plus tard, la Mercedes en question est retrouvée, incendiée, dans un parking. Dans la boîte à gants, les policiers tombent sur un cahier de 89 pages, intitulé « MHD, histoires d’enfances irrégulières ».

Mais que s’est-il passé ? Au coeur de cette violence, on retrouve un règlement de comptes entre jeunes de la cité de la Grange-aux-Belles (10ème arrondissement) et celle des Chaufourniers (19ème arrondissement), surnommée « la cité rouge » en raison de la couleur des briques utilisées pour construire les blocs d’immeubles qui se dressent dans le ciel. Ce « petit village où tout le monde se connaît ».

« En 2018, Loïc K. vient de rentrer en France après avoir passé quelques années dans son pays d’origine, le Cameroun. Il ne vit plus avec son père dans le quartier de la Grange-aux-Belles. À ce moment-là, il est même marginalisé et dort dans un parking », retrace Me Juliette Chapelle, qui représente le père, la mère et le demi-frère de Loïc, tous constitués parties civiles. Une manière de dire que Loïc K. n’était pas spécifiquement visé ce soir-là. « C’est le fait de s’être trouvé avec cette bande, poursuit l’avocate, et d’avoir été le dernier à se mettre à courir, qui l’a exposé à la Mercedes qui lui a foncé dessus. »

L’audience était marquée de silences, dénégations, incohérences et amnésies de la part des accusés. Mais aussi par des investigations fragiles, selon la défense, qui soulevait de nombreux points d’interrogation. Une audience sous le joug de « la loi de la cité » et d’un « climat de terreur » que la partie civile a exhorté aux jurés de ne pas « laisser gagner ».

Malgré l’omerta qui règne en maître dans les affaires touchant aux rivalités de gangs de cité, plusieurs témoins ont mis en cause Mohamed Sylla. Les enquêteurs établissent que la Mercedes brûlée lui appartenait, et des témoins affirment l’avoir vu à bord. De plus, une des vidéos de la scène (prise par un témoin depuis un appartement) montre un homme africain aux cheveux teints en blond, vêtu d’un survêtement Puma. Or, à cette époque, MHD avait  bel et bien les cheveux peroxydés, et était ambassadeur de cette marque de Sportswear.

Ascension phénoménale, chute brutale

Mohamed Sylla ne restera peut-être plus MHD après ce drame. Celui qu’on surnommait le « Petit Prince de l’afro-trap » (genre musical qui mêle hip-hop et musiques africaines), avait été révélé en 2015 grâce à une vidéo postée sur YouTube devenue virale. À l’époque livreur de pizza, il est devenu en quelques mois une star reconnue en France et à l’étranger, où il est remarqué par des artistes comme Madonna ou Drake. 

Ce qui plaisait au public, et même aux médias, c’était son côté authentique. Toujours à l’aise lors des interviews, il parlait ouvertement d’où il venait (la cité) et en faisait son fond de commerce.

Depuis ses débuts, Mohamed Sylla a joué dans 22 pays et sur trois continents, donné un show au mythique Coachella et a été reçu dans son pays d’origine (la Guinée) comme un véritable chef d’État… À 24 ans, il a sorti son deuxième disque, 19, en hommage à son quartier.

Mohamed Sylla aurait-il eu une belle carrière s’il avait réussi à couper le cordon avec la ville qui l’a vu grandir ? Son album-phare était intitulé 19, en hommage à son quartier. Il y est arrivé dès ses 9 ans. « Toute ma jeunesse, on est restés là-bas », avait-il déclaré dans une interview à RFI. À cause de son expédition meurtrière sur fond de guerres de gang, il ne reverra les briques rouges de son quartier qu’en 2035.

Héloïse Pieragnoli

Diplômée de l’école de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM), Héloïse Pieragnoli a intégré par la suite la Google News Initiative, où elle a pu renforcer son écriture web. Aujourd’hui rédactrice pour La Gazette de l’Entrepreneur, elle est également bénévole au sein de La Chance, pour la diversité dans les médias. Une structure qui l’avait soutenu dans le passé, afin d’accomplir son projet professionnel.