Doctrine qui est une startup française avait été assignée en justice en 2020 et cela pour concurrence déloyale, pratiques commerciales trompeuses ainsi que pour usurpation de notoriété.
Néanmoins, le tribunal de commerce de Paris n’était pas de cet avis et a débouté les éditeurs historiques qui ont attaqué la startup.
Par ailleurs, le tribunal de commerce de Paris a condamné ces éditeurs, pour procédure abusive, à verser solidairement une amende de 50 000 euros. Dans cet article, on vous présentera notre analyse sur la victoire juridique de la startup Doctrine face à ces éditeurs historiques.
Qui est la startup Doctrine ?
Doctrine est une plateforme internet, plus précisément un moteur de recherche, spécialisé dans le domaine juridique.
En effet, ce moteur de recherche essaie de centraliser sur une seule plateforme les différentes informations juridiques pour faciliter l’accès des avocats, des magistrats, des juristes et sans oublier les justiciables à ces informations juridiques.
La création de Doctrine a été effectuée en juin 2016 par Raphaël Champeimont, Nicolas Bustamante ainsi que Antoine Dusséaux.
Quelques mois après sa création, Doctrine a levé des fonds jusqu’à 2 millions d’euros auprès de Otium venture, TheFamily et Kima Ventures. En 2018, la startup compte plus de 50 employés. Par ailleurs, cette même année, la startup Doctrine a levé auprès de Xavier Niel et Otium Venture 10 millions d’euros supplémentaires.
Les actions judiciaires concernant la startup Doctrine
La première action en justice impliquant la startup Doctrine concerne sa demande d’accès à l’ensemble des décisions du tribunal de grande instance de Paris suite à la consécration de l’open data des décisions de justice suite à la promulgation de la loi n° 2016-1321 du 07 octobre 2016 pour une République numérique en 2016.
En effet, Doctrine a fait sa demande d’accès en 2017. Cependant, le Président du tribunal de grande instance de Paris a rejeté cette requête, mais la cour d’appel de Paris a accordé la demande de Doctrine le 18 décembre 2018.
Par contre, le Ministère de la Justice a demandé la rétractation judiciaire de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris devant cette cour en 2019 et le Ministère de la Justice a gagné.
Doctrine ne s’est pas arrêtée là, car ce dernier avait saisi, en 2022, la Cour européenne des droits de l’homme afin d’obtenir une reconnaissance de son droit d’accès aux diverses décisions de justice du tribunal de grande instance de Paris. Durant cette même année, en juin 2022, la Cour européenne de droits de l’homme a reçu la requête.
En outre, cinq éditeurs juridiques : LexisNexis France, Wolters Kluwer France, Lexbase, Lextenso ainsi que Dalloz ont formé une alliance pour accuser le moteur de recherche Doctrine de concurrence déloyale, de pratiques commerciales trompeuses ainsi que de paritarisme ou usurpation de notoriété.
Le litige entre la startup Doctrine et ces éditeurs juridiques a débuté en 2018 après une perquisition privée que la Cour d’appel de Paris a jugée illégitime le 31 juillet 2019.
Par ailleurs, les éditeurs juridiques ont encore saisis le tribunal de commerce de Paris en réitérant leurs accusations contre Doctrine et en réclamant 2,58 millions d’euros.
La décision du tribunal en faveur de la startup Doctrine
Le tribunal de commerce, le 23 février 2023, a clôturé l’affaire Doctrine contre les éditeurs juridiques (LexisNexis France, Wolters Kluwer France, Lexbase, Lextenso ainsi que Dalloz).
La décision du tribunal a été en faveur de la startup. En effet, comme ce qui a été évoqué précédemment, la demande des éditeurs juridiques à l’encontre de Doctrine a été rejetée par le tribunal. Par ailleurs, ces éditeurs devront payer 50 000 € d’amende pour procédure abusive ainsi que de 150 000 euros de frais de justice.
Pour motiver sa décision, le tribunal de commerce a précisé dans sa décision que l’arrivée de la startup Doctrine sur le marché s’inscrit dans un contexte d’utilisation des différents outils se basant sur l’intelligence artificielle concernant l’édition juridique.
En effet, dans sa décision, le tribunal explique que Doctrine se base sur : « la centralisation d’informations juridiques, leur contextualisation, la veille en temps réel et l’automatisation de leur analyse juridique » ce qui ne peut être qualifié de concurrence déloyale.
En outre, les éditeurs juridiques ne contestent pas et n’empêchent pas la plateforme Doctrine de les concurrencer, par contre, ces éditeurs contestent les moyens utilisés par la plateforme par rapport à la collecte des 10 millions de décisions de justice, accessibles sur le moteur de recherche de Doctrine, en affirmant que les sources de collecte de décision de la plateforme ne sont pas suffisantes pour collecter ces décisions.
Suivant les dires de Doctrine, ce dernier a reçu des mises en demeure auxquelles la plateforme a toujours répondu pour apporter plus d’explication relative aux services fournis par la startup à ses nombreux concurrents.
Par ailleurs, Doctrine a affirmé que ces mises en demeure, que ce dernier considère comme des mesures d’intimidation, ont commencé juste quelques mois après la création de la plateforme c’est-à-dire à partir du mois d’aout 2016.
Suite à ces différents faits, les juges consulaires ont décidé que l’avancée technologique proposée par la startup Doctrine a provoqué son avantage face à ses concurrents et cela ne peut être considéré comme une concurrence déloyale de la part de Doctrine.
En outre, face aux accusations des éditeurs juridiques sur l’illégalité des moyens utilisés par Doctrine par rapport à la collecte des décisions de justice, le tribunal s’est prononcé qu’il est impossible de déduire l’illicéité des moyens adoptés par Doctrine pour la collecte.
Par conséquent, le tribunal de commerce, même si ce dernier n’a pas retenu la faute de dénigrement que Doctrine a évoqué, a tout de même qualifié la procédure enclenchée par les différents éditeurs juridiques de procédure abusive comportant une volonté d’intimider la startup Doctrine et d’éliminer cette dernière du marché.
Pour conclure, la décision prise par le Tribunal de Commerce de Paris implique qu’une avancée technologique permettant à une entité dans un domaine particulier ne constitue pas une concurrence déloyale mais est belle et bien une matérialisation de l’évolution actuelle.
De plus, cela implique que les French Tech et les innovateurs ont une certaine marge de manœuvre afin de pouvoir s’imposer sur des marchés qui sont occupés par des acteurs historiques.