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La French Tech souffre-t-elle de la hausse des taux ?

« Nous devons devenir en cinq ans la nation des start-up » avait martelé Emmanuel Macron en 2017, lors de la clôture du Sommet des start-ups de Challenges. Le but de l’opération était de faire éclore des géants de la tech dans l’Hexagone. En 2023, son plan a-t-il fonctionné ? 

En regardant les chiffres, on pourrait le penser : en 2016, la France comptait 9400 start-ups. Aujourd’hui, elle en compte pas moins de 27 000. De plus, 2021 a été une année record pour la French Tech avec l’éclosion de 12 nouvelles licornes, portant le total à 26 (la France en comptait seulement 5 en 2018). Et comme les start-ups poussent comme des champignons, cela engrange naturellement de gros investissements. Notamment dans le domaine de la French Tech.

395 opérations de levées de fonds pour la French Tech en 2023

Au premier semestre 2023, les sociétés de la French Tech ont réalisé 395 opérations de levées de fonds, pour un montant de 4,2 milliards d’euros.  Soit une baisse en valeur de 49%, et une augmentation en volume de 9%. Ainsi, à l’échelle européenne, la France se place en première position des pays de l’Union. Bien que son principal concurrent, l’Allemagne, soit au coude à coude avec ses 3,9 milliards d’euros récoltés. Franck Sebag, partenaire associé de EY France , assure que côté outre-manche, l’écart se réduit de plus en plus entre la France et le Royaume-Uni : « le Royaume-Uni reste très actif en Europe, mais il souffre aussi, puisque les montants levés ont baissé sur le semestre de 62% en valeur et de 18% en volume ». 

Quelles sont les raisons de ce ralentissement ? Selon l’expert, c’est surtout la hausse des taux, cumulée aux incertitudes macroéconomiques qui ont mis un frein à un système qui s’était jadis emballé. « En réaction, les sorties en bourse se sont arrêtées aux États-Unis et les valorisations se sont effondrées. La plupart des investisseurs ont décidé de temporiser entraînant dans leur sillages une contraction des volumes d’investissements, d’abord aux Etats-Unis puis en Europe. », assure Franck Sebag. 

Paris est la ville qui attire le plus gros des investissements pour la « start-up nation »

Selon France Digitale et EY, dans leur baromètre du capital risque en France, en 2021, 80% des fonds levés en France bénéficient à des start-ups localisées en Île-de-France. Dans les régions, ces sommes se font plus rares et plus modestes. Par exemple, l’Auvergne-Rhône Alpes attirait 5,8% des investissements, et la région Occitane 4,6%. Aujourd’hui, l’Île-de-France reste incontestablement la région leader de cet écosystème dans la mesure où les start-up franciliennes ont à elles seules attiré 70 % des montants. La région Auvergne-Rhône-Alpes se hisse dorénavant à la seconde place avec 8 % des investissements suivie par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec 7 %.

La nébuleuse des start-ups parisiennes sert en fait de vitrine à l’international à la French Tech dans son ensemble. C’est-à-dire que si les projets sont en Île-de-France ou en région, ils bénéficieront de la même visibilité, car ça vient de la prestigieuse ville de Paris. 

Si cette centralisation existe aussi dans d’autres pays, elle est de moins en moins prégnante : Londres ne concentre plus que 65% des sommes levées par les sart-ups au Royaume-Uni, et la Silicon Valley n’attire plus que 38% des fonds, car elle est concurrencée par New-York ou Boston.

La French Tech est au creux de la vague 

Pour imager ce qui est en train de se passer dans le secteur de la French Tech, Franck Sebag prend l’image d’un surfeur qui rame et tente de trouver une nouvelle vague pour lui donner l’impulsion dont il a besoin. « On est dans un cycle bas, avoue l’expert. On a des valeurs de montants en baisse de plus de 50%, mais avec 8% d’opérations en plus. » Et dans les secteurs en tête des levées de fonds en France, on trouve la Cleantech (1170 millions d’euros), les Logiciels (968 millions d’euros), les Life Sciences (590 millions d’euros). « Il est impossible, dans certains secteurs, d’avancer si on n’a pas beaucoup d’argent, explique Franck Sebag. Sur l’IA il faut de la puissance de calcul. Ne serait-ce que pour commencer à exercer des modèles, on ne peut pas le faire avec quelques millions d’euros. »

Bien qu’il n’ai pas de boule de cristal, l’associé d’EY annonce que même avec la faiblesse du mois de juin par rapport à l’année dernière (à peine 400 millions d’euros de levés, alors qu’un mois moyen dans la French Tech représente a minima 800 millions d’euros), il n’est pas encore temps de se montrer pessimiste. « En Europe on a plus de 45 milliards de dollars qui ont été levés, et qui sont prêts à être déployés. Ça fait beaucoup de liquidités. L’argent est cher, mais il n’est pas si rare que ça. »

 

Héloïse Pieragnoli

Diplômée de l’école de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM), Héloïse Pieragnoli a intégré par la suite la Google News Initiative, où elle a pu renforcer son écriture web. Aujourd’hui rédactrice pour La Gazette de l’Entrepreneur, elle est également bénévole au sein de La Chance, pour la diversité dans les médias. Une structure qui l’avait soutenu dans le passé, afin d’accomplir son projet professionnel.