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Squats en France : origines, impacts et conséquences sur la société

Les squats, ces occupations illégales de logements ou de bâtiments vides, sont une réalité présente en France depuis plusieurs décennies. Si certains y voient une réponse à la crise du logement, d’autres considèrent cette pratique comme une atteinte à la propriété privée et une source de problèmes de sécurité. Décryptage de la situation et avis d’un expert.

Une situation qui se dégrade

Le nombre de squats dans l’hexagone est en constante augmentation depuis les années 2000. Selon les estimations, il y aurait aujourd’hui entre 30 000 et 50 000 personnes vivant dans des squats en France.

Cette augmentation s’explique en partie par la crise du logement, qui pousse de nombreuses personnes à chercher des solutions alternatives pour se loger. Mais elle est aussi due à la politique de fermeture de certains centres d’hébergement d’urgence, qui poussent les personnes les plus précaires à se tourner vers les squats. Ce sont souvent des lieux de vie précaires et insalubres où les occupants n’ont pas accès à l’eau potable ni à l’électricité. Ils sont également souvent le théâtre de trafics en tous genres, de violences et d’insécurité.

Les squats sont donc une source de préoccupation pour les autorités, qui cherchent à les évacuer dès que possible. Mais il existe également des squats d’anciens locataires qui n’ont pas quitté les lieux alors qu’ils n’honorent plus les paiements. Dans les deux cas, des procédures et sanctions différentes s’appliquent.

La question de l’occupation illégale

La question des squats a soulevé de nombreux débats, notamment autour de l’occupation illégale de logements ou de bâtiments vides. Certains y voient une atteinte à la propriété privée et une violation des lois en vigueur, tandis que d’autres considèrent que l’occupation de lieux vacants est une réponse légitime à la crise du logement. En France, l’occupation illégale de logements ou de bâtiments vides est un délit passible de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Les propriétaires peuvent également engager des procédures d’expulsion, qui peuvent prendre plusieurs mois. Les occupants peuvent quant à eux être expulsés par la force. 

L’avis de d’un spécialiste

Maître Raphaël Richemond, avocat aux barreaux de Paris et de New York, est spécialiste en contentieux commercial, des affaires et immobilier. Expert en la matière, maître Richemond ne traite que des affaires d’expulsions. Du côté des propriétaires, il met tout en oeuvre pour que ces derniers puissent récupérer leurs biens. Il explique qu’il est extrêmement rare d’être face à des cas de squats par effraction. La quasi totalité des dossiers dont il est en charge implique des locataires qui ne payent plus leurs loyers face à des propriétaires qui souhaitent obtenir gain de cause.

Comment définiriez-vous le squat d’un point de vue juridique ?

Me R.R : «Souvent on parle de squat dans les médias, et ça part dans tous les sens. Mais ceci n’a pas vraiment de définition juridique. On parle d’occupation sans droit ni titre dans la loi. Il faut distinguer deux grandes catégories : La première, ce sont ceux qui sont entrés dans les lieux par effraction (les squatteurs). La deuxième, sont ceux qui avaient un droit et un titre mais qui sont restés dans les lieux en dépit de ce droit, alors qu’ils ne payent plus les loyers et qui se sont maintenus dans les lieux. Les procédures ne sont pas les mêmes dans les deux cas. Dans le premier, on engage une procédure administrative qui est plutôt rapide. Dans ce cas précis, on peut demander au juge la suppression de la trêve hivernale pour les squatteurs. Pour l’autre catégorie, on passe obligatoirement par le juge. Ici, la trêve hivernale s’applique. La procédure est beaucoup plus longue car le système judiciaire en France est très encombré. D’ailleurs, à ce sujet, Emmanuel Macron prévoit de créer 20 000 postes de magistrats.»

Quels sont les droits des propriétaires face aux squatteurs ?

Me R.R : «Le droit de propriété existe, vous pouvez faire expulser les squatteurs mais cela prend du temps. Dans le cas où les personnes qui se trouveraient en irrégularité de paiement durant la trêve hivernale et qu’ils honorent à nouveau leurs paiement après la trêve, ils recevront un commandement de payer par huissier de justice et auront deux mois pour régler leur dette. La trêve hivernale empêche l’expulsion mais pas la procédure. On peut assigner, on peut demander la résiliation du bail, une condamnation financière ainsi qu’une expulsion. Ils peuvent être condamné à payer les frais d’huissier et d’avocat.»

Quand un squatteur peut prouver qu’il est dans les lieux depuis 48h, les propriétaires du lieu ont impossibilité de le déloger. Quelles solutions ont-ils ? 

Me R.R : «Les services de police ont des pouvoirs étendus en cas de flagrant délit. Ils peuvent expulser une personne de l’endroit qu’elle squat seulement pendant 48 heures, dépassé ce délais, ce droit ne s’applique plus. Ils auront tout de même besoin d’une preuve pour constater l’effraction, grâce à un service d’alarme par exemple.»

Maître Raphaël Richemond ajoute : «Le vrai squat, le pur squat, celui où on casse la serrure reste très rare. Dans 90% des cas ce sont des cas de locataires qui se maintiennent dans les lieux. Ce sont aussi des cas où les propriétaires ont fait de la sous location et dont les locataires refusent de partir. Ici, on est pas du tout dans un cas de pur squat, cette année j’ai du en avoir deux ou trois maximum.»

Le cas des sans-abris

Si des sans-abris vivent dans des endroits désaffectés est-ce moins dérangeant ? 

Me R.R : «Que ce soit les mairies ou les particuliers qui sont propriétaires, on peut demander l’expulsion des squatteurs même si leurs biens n’est pas occupé ou laissé à l’abandon. Quant au relogement des squatteurs ici il ne s’agit plus d’un problème juridique. Ici le problème est social et politique, ce qui n’est plus de notre ressort. 

Il existe deux catégories de personnes. Celles qui sont de bonne foi et celles qui sont de mauvaise foi. Souvent, les squatteurs connaissent très bien leurs droits et ils en abusent. Ils font tout pour faire trainer la procédure et ils ne sont pas de bonne foi. Ils ne cherchent pas de relogement par exemple. Dans les cas de pur squat, les personnes mises en cause sont souvent de mauvaise foi. Ils savent que les procédures sont longues et qu’ils ne seront pas expulsés dans l’immédiat donc ils en profitent. On ne peut rien leur saisir car ils sont insolvables la plupart du temps. 

Il y a aussi les personnes qui sont de bonne foi. Souvent dans ces cas-là, on a affaire à des personnes qui se trouvent dans des situations précaires mais qui cherchent des solutions pour s’en sortir. Ici, le juge les laisse payer leur loyer normalement et échelonne leur dette. Il bénéficie souvent d’une dernière chance. Pour cela il faut prouver sa bonne volonté, son salaire, ses démarches pour se reloger etc.. Le locataire doit fournir une preuve de ses ressources et prouver que sa période de difficulté n’est que temporaire.» 

En fin de compte, la question des squatteurs en France soulève des interrogations sur le droit au logement et l’accès à la propriété. Les autorités cherchent à protéger les propriétaires. Les mairies et associations tentent de trouver des solutions durables pour aider les personnes qui sont confrontées à des difficultés économiques et sociales.

 

Interview avec Raphaël Richemond

 

Héloïse Pieragnoli

Diplômée de l’école de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM), Héloïse Pieragnoli a intégré par la suite la Google News Initiative, où elle a pu renforcer son écriture web. Aujourd’hui rédactrice pour La Gazette de l’Entrepreneur, elle est également bénévole au sein de La Chance, pour la diversité dans les médias. Une structure qui l’avait soutenu dans le passé, afin d’accomplir son projet professionnel.