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Pourquoi faut-il un bon logo pour démarrer son activité ?

Après la crise de la Covid-19, l’INSEE avait recensé une augmentation de plus de 4 % de créations d’entreprises. En 2021, le nombre atteignait le record de 995.900 ouvertures, soit 17% de plus qu’en 2020. Le démarrage d’un projet, au-delà de générer plusieurs formalités administratives, implique également la définition d’une dénomination sociale ainsi que d’une identité graphique.

L’élaboration d’un logo devient alors un enjeu pour les débuts des entrepreneurs, qui peuvent se perdre devant la multitude d’offres de graphistes aux prix divers. Nous avons rencontré Cédric Poquelin, dirigeant des agences de design Ludas Fawks Pictures, afin de faire le point sur ce qu’est un bon logo d’entreprise.

En premier lieu, pouvez-vous nous dire ce qu’est un logo ?

Pour avoir la signification du mot logo, il suffit de revenir à son étymologie. Le “logos” vient du grec ancien et veut dire “la parole” ou “le discours”. Il est donc admis que le logo soit le premier souffle, les premiers mots prononcés par une entreprise. Sur le plan technique, on peut le définir comme une représentation graphique d’une marque ou d’une entreprise. Il est ainsi utilisé sur les différents supports de communication.

Les premiers “vrais” logos ont émergé sur les enseignes du Moyen-Âge et n’étaient ni plus ni moins que des illustrations iconiques des métiers usuels de l’époque. Aujourd’hui, les “bons” logos ne représentent plus les activités exercées par les entreprises qui les arborent, mais bien les valeurs ainsi que l’histoire de la compagnie. Ils peuvent donc revêtir une multitude de formes ; être abstraits, emblématiques, combinés ou typographiques. Dans tous les cas, l’élaboration d’un logo est une étape clé dans la vie d’une entreprise : il s’agit du moment où votre projet aura un visage.

Peut-on jauger la qualité d’un logo à son prix ?

Oui et non. Le logo de la marque Nike en est le parfait exemple, surtout lorsqu’on sait qu’il n’a initialement été facturé que 35 dollars. À vrai dire, il y a autant de tarifs qu’il y a de graphistes. Le prix d’un logo peut donc varier, allant de 5 à 1 million d’euros. Bien sûr, les logos qui ont un prix élevé sont élaborés durant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, par de grosses agences faisant travailler une équipe de plusieurs professionnels spécialisés et renommés.

D’un autre côté, il y a des graphistes qui ont beaucoup de talent et qui facturent avec trop de modestie leur travail. Il faut néanmoins admettre qu’une tarification trop basse trahit un manque de maîtrise du graphiste qui ne sait peut-être pas jauger la valeur ajoutée que son travail apporte à l’entreprise. Chez Ludas Fawks Pictures, on estime qu’un bon logo doit être facturé entre 800 et 1200 euros, en fonction du nombre de concepts proposés ainsi que du nombre de retouches et de services annexes. Bien sûr, il peut y avoir de très bons logos en dessous de ce tarif et de très mauvais qui seraient plus chers. Encore une fois, tout dépend du graphiste.

En dehors du prix, comment reconnaître un bon logo ?

Lors de l’élaboration d’un logo, il est possible de faire une multitude d’erreurs et de tomber dans de nombreux pièges. Afin de contourner ces obstacles et définir ce qu’est un bon logo, il est important de savoir ce qui en caractérise un mauvais. Il est impératif de garder en tête est qu’un logo n’est pas une œuvre d’art : il n’est pas supposé être beau ou subjectif ; il doit répondre à une problématique d’identité.

En second lieu, il faut accepter que l’identité graphique ne soit pas un panneau sur l’autoroute des métiers. Elle ne doit pas illustrer l’activité de l’entreprise, ainsi que le faisaient les enseignes d’antan (allant du Moyen Âge à la révolution industrielle). Si votre projet est la création d’une boulangerie, votre réflexe premier sera d’opter pour un logo représentant une baguette de pain.

Vous y avez pensé, dîtes-vous alors que pratiquement tout le monde y a pensé et que votre logo risque de ressembler à celui de tout le monde et donc à celui de n’importe qui. Si on reste sur ce secteur, vous remarquerez que les boulangeries Paul, La Brioche Dorée, Marie Blachère ou la Mie Câline n’ont pas de logo en forme de baguette.

Il en va de même pour les autres grandes marques : le logo de Starbucks n’est pas un grain de café ; le logo de Fedex n’est pas un camion ; celui de Nike n’est pas un athlète et le logo de Beats n’est pas une note de musique. Il faut donc impérativement sortir de cette volonté de renseigner l’activité de l’entreprise dans son identité graphique. Il y aurait néanmoins une exception à ce principe, qui fonctionne bien pour les logos de fast food, par exemple.

Il a été démontré que, sur les réseaux sociaux, les posts mettant en scène des images de pizzas ou de burgers suscitaient plus de réactions de la part des utilisateurs. Ces derniers seraient plus facilement attirés par ce type de contenu en raison de la dose de dopamine qu’ils génèrent. Ce facteur pourrait justifier la création d’un logo en forme de burger pour une entreprise de snack, par exemple.

D’ailleurs, depuis 1969, Burger king a un logo typographique enfermé dans des pains burger qui n’ont pas été supprimés dans sa mise à jour de 2021. Il faut cependant se montrer subtile et savoir conceptualiser l’élément central de l’activité dans le branding général, un peu comme a pu le faire la marque de café Caribou, qui a su rester sobre. Enfin, un logo n’est pas une illustration : il ne doit pas être trop détaillé, doit être lisible et reconnaissable entre mille. La multitude de détails et les effets superflus d’un logo viennent entraver sa lecture et trahissent une mauvaise compréhension des enjeux cités précédemment.

Les meilleurs logos ont des conceptions simples, légères et logiques

Bien plus qu’une succession de points et de formes, le bon logo est conceptuel, il recèle l’histoire ainsi que les valeurs de l’entreprise. Il peut avoir un sens caché ou implicite et l’histoire de sa conception doit être pensée afin de le sublimer. Dans le but de mener à bien cette tâche qu’est la création d’un logo, il est donc impératif de bien connaître le client pour qui on le conçoit.

Il est également nécessaire de se plonger dans son univers professionnel pour éviter de tomber dans le déjà-vu. Et surtout, il est de notre devoir d’offrir la meilleure expertise au client qui n’est pas forcément au fait des nouveautés graphiques et qui pourrait avoir des volontés qui ne sont plus adaptées aux tendances du marché.

Pensez-vous que les nouveaux entrepreneurs négligent l’importance d’avoir un bon logo ?

Oui, sans hésitation. Ils prennent alors le risque, soit de faire leurs logos eux-mêmes via des applications clé en main, soit de se tourner vers un graphiste qui ne maîtrise pas du tout la situation et qui aura le rôle d’un simple exécutant. Cela génère trop souvent des dichotomies entre la cible et l’apparence de l’entreprise, cela vient donc totalement fausser son message. Il doit y avoir une cohérence entre la tonalité voulue et l’image réelle que l’entreprise véhicule.

Certains clients sollicitent des graphistes pour un projet de marque de luxe, mais avec un budget dérisoire. C’est insensé. Comment une clientèle de luxe pourrait-elle investir dans les produits d’une marque qui n’a pas investi dans sa propre image ? Le designer Philippe Starck disait qu’il ne fabriquait pas de chaise, que ce n’était pas ce que les gens achetaient ; qu’ils achetaient plutôt les souvenirs de leur enfance que leur rappelait cette chaise.

Avec un branding médiocre, il est très compliqué de susciter le sentiment d’appartenance ou la volonté de ressemblance, car absolument personne ne veut s’assimiler à quelque chose qui a un rendu bas de gamme. L’autre problème vient aussi de l’habitude de l’œil (nous l’avons vu avec les réticences du public devant la nouvelle version du logo d’Instagram en 2016). Il est difficile pour une entreprise de faire peau neuve sur le plan de sa communication visuelle.

Lorsqu’elle n’en a pas encore, il peut être impossible de faire changer d’avis un entrepreneur qui murit son projet depuis des années et qui a donc en tête une idée de logo quasi gravée dans la roche, mais dont l’aspect est probablement désuet et plus du tout adapté aux tendances graphiques du moment. Sans l’expertise appropriée, c’est le client qui fera alors son logo par le biais de recommandations soumises ou plutôt imposées au graphiste.

C’est une méthode qui n’est pas viable pour l’impact du branding d’une entreprise. Le logo est un enjeu et comme pour tout investissement, il est possible de faire des choix plus ou moins judicieux. La pire décision qu’une entreprise puisse faire concernant son logo est de minimiser son importance en lui allouant un budget trop bas. Évidemment, beaucoup d’entreprises naissantes n’ont pas une forte trésorerie de départ ou n’ont pas forcément envie d’injecter trop d’argent dans l’élaboration d’un logo.

Dans les deux cas, elles prennent le pari de donner une image médiocre et peu soignée, même si la qualité de leurs services ou produits proposés est excellente. Si on transpose cela au monde du salariat, le meilleur des employés ne sera jamais embauché s’il passe l’entretien d’embauche avec une tenue qui n’est pas adaptée, et même s’il a toutes les compétences requises pour répondre au poste. C’est exactement pareil pour le logo qui est définitivement le costume d’entretien d’embauche des entreprises.

La conception d’un logo joue-t-elle sur son efficacité ?

C’était Oscar Wilde qui disait que “La beauté est dans l’œil de celui qui regarde.” Cette idée qui est à propos pour les canons de la beauté physique et/ artistique, évolutifs par leurs époques, n’a jamais été aussi fausse que dans le monde du design. D’ailleurs, les travaux de Léonard de Vinci ont pu démontrer que l’œil est naturellement attiré vers des proportions parfaites et qu’il digère mal les formes qu’il juge inesthétiques, sans même comprendre pourquoi.

Bien que la création de logo soit ouverte vers d’infinies possibilités, il y a néanmoins des règles visuelles à respecter. Certains designers, par exemple, ne jurent que par une proportionnalité de leurs logos à travers ce qu’on appelle le nombre d’or. Cependant, ce n’est pas une règle immuable dans l’esthétique artistique ou graphique. Beaucoup pensaient que le logo d’Apple avait été fait d’après ces proportions, alors que ce n’est pas le cas.

En revanche, il y a bien des masses visuelles à respecter afin que le logo soit équilibré et agréable. Il ne doit pas agresser l’œil. Depuis quelques années, la mode est d’ailleurs au blanding (affadissement), ce qui explique pourquoi tous les grands groupes ont fait modifier leurs logos afin de le simplifier.

Quel dernier conseil pourriez-vous donner aux entrepreneurs pour la définition de leurs logos ?

Il faut être très vigilant et attentif à l’évolution rapide des tendances vers lesquelles se tournent les usagers. Nous sommes dans une ère où les entreprises ne dictent plus la conduite des consommateurs ; elles doivent, au contraire, s’adapter à chaque instant. En 2020, Samsung publiait un communiqué qui rappelait que, depuis l’année 2000, l’œil et le cerveau humain sont surexposés en permanence à une multitude de données, au point où la durée de concentration accordée à une nouvelle information est de 8 secondes (soit 4 secondes de moins que chez le poisson rouge).

Le cerveau opère un tri de plus en plus drastique des médias et les entreprises disposent alors d’une très courte fenêtre d’attention pour faire la différence. Il faut donc avoir une image de marque irréprochable si l’on souhaite toucher un public de moins en moins disponible et plus sévère, tant il est continuellement exposé à du contenu toujours plus élaboré. Partant de ce constat, une entreprise naissante avec une mauvaise communication prend irrémédiablement le risque d’être ignorée durant ce court laps de temps.

Un logo professionnel n’est pas celui d’un blog personnel destiné à une passion. Il peut alors être extrêmement dangereux de débuter avec une identité graphique modeste ou mal pensée.

visiter le site de Ludas Fawks Pictures

 

Héloïse Pieragnoli

Diplômée de l’école de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM), Héloïse Pieragnoli a intégré par la suite la Google News Initiative, où elle a pu renforcer son écriture web. Aujourd’hui rédactrice pour La Gazette de l’Entrepreneur, elle est également bénévole au sein de La Chance, pour la diversité dans les médias. Une structure qui l’avait soutenu dans le passé, afin d’accomplir son projet professionnel.