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Génération Z : un rapport au travail différent des baby-boomers

xLa génération Z, cette cohorte d’individus nés après 1995, est souvent dépeinte comme plus feignante que ses aînés. Elle serait peu douée pour la communication, et le travail en équipe. Pourtant, les entreprises ont tout intérêt à mieux comprendre les aspirations de celle que l’on surnomme la «Gen Z». En effet, selon la conférencière Élodie Gentina, «d’ici 2025, la génération Z occupera 50% des postes en entreprise». 

«OK, boomer». Cette expression est devenue planétaire lorsque Chlöe Swarbrick, députée néo-zélandaise de 25 ans, a décidé de répondre cinglement à un de ses collègues plus âgés. Elle intervenait alors sur la question du changement climatique, en 2019. L’expression «babyboomer» désigne les personnes nées entre la fin de la seconde guerre mondiale et le début des années 1960. Ces mêmes personnes qui peuvent être désorientées face à une génération qui n’ont pas toujours les mêmes valeurs que les précédentes. Surtout en ce qui concerne le travail.

La génération Z, ou la génération ultra-connectée

La «Gen Z» n’a pas connu le monde sans internet. Nés au moment de la révolution numérique, ces jeunes sont ultra-connectés. Une connexion parfois vue d’un mauvais oeil par les anciens. C’est ce que raconte Léna, jeune active marseillaise. À 21 ans, elle travaillait dans un théâtre avec des personnes âgées de 60 ans. Elle se souvient des longs débats sur les réseaux sociaux : «Lorsque le spectacle avait lieu, on avait du temps à tuer avant la sortie des spectateurs. Nous, les jeunes, étions sur nos téléphones, à regarder des Tik Toks. Les plus âgés considéraient que c’était du contenu bête».

Néanmoins, cette proximité avec la technologie est loin de déplaire à tous les «baby-boomers». Comme Clotilde qui, a 60 ans passés, trouve le mélange des générations essentiel au monde du travail. Surtout lorsqu’on lui demande d’utiliser les nouvelles technologies. Comme à ce séminaire, où on lui demande d’utiliser Framapad (un site de production de texte collaboratif), tout en étant en visioconférence. À ce moment-là, elle est ravie d’avoir des jeunes collègues pour l’aider :  «J’ai trouvé cela intéressant de pouvoir jongler entre plusieurs outils tout en conversant en visio. Ça oblige à garder une souplesse d’esprit. Souplesse d’esprit qui est aussi une ouverture : elle amène vers des gens différents de soi». 

Une génération à la recherche de bonnes conditions de travail

Différente, la «Gen Z» l’est. Et ses préoccupations diffèrent aussi : par exemple, la qualité de vie au travail tient une place primordiale dans leur profession. Selon Adobe et son son étude « The Future of Time », ils sont 92% à estimer qu’il est du rôle de l’entreprise de s’assurer du bien-être des salariés, et 85% à placer l’ambiance et le bien-être au travail en deuxième position de leurs critères pour choisir un métier. Ces critères arrivent après l’intérêt du poste (92%), et bien avant la rémunération (49%). 

Difficile à comprendre pour les «baby-boomers», qui ont sacrifié parfois leur vie de famille pour se concentrer sur leur carrière. Dans son travail, Clotilde a remarqué que les jeunes étaient plus contestataires. « J’ai entendu des filles parler de charge mentale. Un nouveau concept qui est exagéré ! À mon époque, on bossait, on s’occupait des enfants, et on était fières de tout gérer. Car la vie, c’est de la charge mentale. Rien n’est facile ».

Selon deux des quatre grands cabinets de conseil, PwC et Deloitte, les jeunes diplômés fraîchement embauchés ont de moins bonnes aptitudes au travail d’équipe et à la communication que les fournées précédentes. Chez Deloitte, les jeunes doivent assister à des leçons sur «la résilience mentale, la capacité à surmonter l’adversité et l’importance de l’état d’esprit». Il s’agit là du dernier épisode en date d’une longue série de luttes intergénérationnelles dans le monde du travail. Au début des années 2000, les «baby-boomers» se sont plaint des «milleniums qui avaient tous les droits» et osaient demander des promotions et des salaires plus élevés. 

À la recherche d’un équilibre sain entre carrière et vie personnelle

Un récent sondage réalisé par Indeed montre que 41% des «Gen Z» sont prêts à renoncer à un salaire plus élevé afin d’avoir un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vite personnelle. Et cet équilibre est un critère important pour 76% d’entre eux. Mais le salaire n’arrive pas très loin derrière ces critères : pour 51% des jeunes français, le fait d’être à l’aise financièrement est une des principales ambitions de leur vie professionnelle. 

Car la « Gen Z » aime tout de même pouvoir voyager et profiter de la vie. Exit donc le fameux 9h-17h perçu comme un carcan. 42% d’entre eux préfèrent des horaires de travail flexibles. En revanche, ils ne sont pas obsédés par le télétravail, comme certains patrons pourraient le penser. Les études montrent que 75% de la génération Z se disent prêts à déménager pour être plus proches de leur travail. Donc, aller au bureau est toujours pertinent pour eux. 

Les heures supplémentaires oui, à outrance, non

La génération Z a peut-être rendu un énorme service à la communauté des travailleurs : apprendre à être moins passifs au travail. Mais le risque est de se faire mal voir par l’entreprise. Comme Estelle*, 27 ans, qui travaille dans le commerce et les relations publiques. Au quotidien, elle essuie des remarques sur son âge. Celle qui lui hérisse le poil en particulier, c’est : «Tu verras, avec le temps, tu seras obligée de mettre tes principes de côté. C’est ça le travail». Une phrase condescendante déguisée en conseil suite à l’indignation d’Estelle : lui demander de travailler les jours fériés, le week-end et pendant les vacances, c’est non. 

Pourtant, elle culpabilise lorsqu’elle voit des collègues plus âgés le faire. «On se sent tourmentés, car on a l’impression d’être de mauvais éléments à côté de ceux qui travaillent en-dehors de leurs horaires (…) Mais la Gen Z se respecte. Elle refuse que les patrons aient tous les droits, que sa hiérarchie lui marche dessus. Elle comprend qu’il faut travailler plus que son temps de travail pour se faire remarquer, mais pour autant, elle refuse que cela empiète sur sa vie privée

Une forte inquiétude face à la situation économique actuelle

Ayant grandi sur fond de digitalisation, d’incertitudes économiques et de conscience sociale et environnementale, la «Gen Z» a pu constater l’échec du modèle des générations précédentes en termes de travail : l’entreprise n’est aujourd’hui plus en mesure de promettre ce qu’elle offrait aux «baby-boomers» par exemple. 

Fiverr a interrogé plus de 7000 jeunes issus de la «Gen Z» à travers différents pays européens (Royaume-Uni, France, Allemagne, Pays-Bas) et aux États-Unis. Il en ressort au niveau mondial, que 36,8% des membres de la génération Z sont préoccupés par l’inflation grandissante. Cette situation économique angoissante leur fait envisager le freelancing comme un moyen de générer des revenus additionnels. Ce taux passe même à 41% chez les jeunes américains. 

Mark, 70 ans, écrit en ce moment un livre, de concert avec une jeune issue de la génération Z. Il trouve cette génération pleine de désillusions, dues à un manque d’opportunités professionnelles. «Les employeurs paient les jeunes moins cher, tout en attendant le même engagement. C’est ridicule. À mon premier boulot, j’étais payé beaucoup plus que les jeunes d’aujourd’hui».

Assistons-nous à un changement de structuration des carrières ? Alors que l’ancienne génération privilégiait le mono-employeur au cours de leur carrière, la nouvelle préfère se tourner vers le multi-employeurs pendant leur activité professionnelle. Les résultats des nombreux sondages montrent bien que les choses évoluent et que l’approche du monde du travail diffère d’une génération à l’autre, en fonction des changements sociaux, et de la pression économique. La génération Z finira-t-elle par améliorer le monde du travail pour tout le monde ?

* (NDLR : le prénom a été modifié)

Héloïse Pieragnoli

Diplômée de l’école de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM), Héloïse Pieragnoli a intégré par la suite la Google News Initiative, où elle a pu renforcer son écriture web. Aujourd’hui rédactrice pour La Gazette de l’Entrepreneur, elle est également bénévole au sein de La Chance, pour la diversité dans les médias. Une structure qui l’avait soutenu dans le passé, afin d’accomplir son projet professionnel.