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Évasion fiscale : Les multinationales pointées du doigt

Selon un rapport de lObservatoire européen de la fiscalité publié lundi 23 octobre, les entreprises auraient transféré, en 2022, 35 % des profits réalisés à l’étranger. Cette somme représente plus de 1 000 milliards de dollars. Mais l’évasion fiscale offshore des particuliers fortunés a chuté.

950 milliards d’euros, c’est la somme qu’on obtient lorsqu’on convertit la somme vertigineuse de mille milliards de dollars. C’est l’équivalent du PIB du Danemark et de la Belgique réunis, rien que ça. Selon le rapport sur l’évasion fiscale mondiale, publié par l’Observatoire européen de la fiscalité, cette somme correspond aux profits que les grandes entreprises de la planète ont transférés vers les paradis fiscaux en 2022.

L’ambition de l’observatoire : Lutter contre l’évasion fiscale

Cet observatoire a été créé en mars 2021. Son ambition ? « Faire le point sur les progrès réalisés en matière de lutte contre l’évasion fiscale depuis 10 ans et sur ce quil reste à faire », résume l’économiste Gabriel Zucman, son directeur.

Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il s’agit d’un sujet brûlant. À l’heure où la crise sanitaire a creusé les inégalités et les déficits publics, les États explorent différentes pistes afin de renflouer les caisses publiques et répondre à une double urgence : soutenir les ménages face au choc inflationniste lié aux tensions internationales, et dégager des moyens pour financer la transition énergétique. « Si les citoyens ne pensent pas que tout le monde paie sa juste part dimpôts – surtout les riches et les grandes entreprises –, ils commenceront à rejeter limpôt », souligne Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie 2001, en introduction du rapport. Au risque que cela nuise « au bon fonctionnement de notre démocratie, affaiblisse la confiance dans nos institutions et érode le contrat social ».

Une chute considérable de l’évasion fiscale offshore des particuliers

Néanmoins, dans le tableau dressé par l’Observatoire, il n’y a pas que du mauvais. Car l’instauration, en 2017, de l’échange automatique d’informations bancaires dans une centaine de pays a fait chuté l’évasion fiscale offshore des particuliers fortunés.

À savoir : ce qu’on appelle « offshore » désigne les dépôts bancaires, les actions, ou encore les titres financiers détenus à l’étranger et non déclarés. Cette richesse offshore est estimée à 12 000 milliards de dollars e 2022, soit 12 % du PIB mondial. Aujourd’hui le quart de cette fortune échappe aux impôts, contre plus de 90 % en 2007. Une victoire politique, affirment les auteurs.

En revanche, la nouvelle la plus terrible est qu’en 2022, les bénéfices mondiaux des entreprises s’élevaient à 16 000 milliards de dollars environ, dont 2 800 milliards de dollars réalisés à l’étranger (donc dans un autre pays que celui du siège social de l’entreprise). Et sur ces 2 800 milliards, 1 000 milliards ont été transférés vers des paradis fiscaux, soit 35 % des profits réalisés à l’étranger. Comme destination privilégiée, on a : l’Irlande, les Pays-Bas ou les îles Vierges et les îles Caïmans.

Dans ce domaine, les multinationales américaines sont les meilleures. Elles transfèrent près de la moitié de leurs profits étrangers dans les paradis fiscaux, contre 30 % pour les autres. Cette pratique était inexistante avant 1975.

Les États pourraient récolter 130 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires

En 2021, sous l’Organisation de la coopération et du développement économique (OCDE) plus de 140 pays décident d’instaurer un impôt minimum de 15% sur les sociétés. Célébré comme une victoire, cet accord, qui doit entrer en vigueur en 2024, devait justement mettre un terme à la course au moins-disant fiscal. Seulement voilà : « depuis, il a été considérablement vidé de sa substance par une série de niches et dexonérations », déplore Gabriel Zucman. En l’état actuel, il devrait augmenter de 4,8 % seulement les recettes totales de l’impôt sur les sociétés, au lieu de 9,5 %. S’ils supprimaient les diverses exemptions, les États pourraient récolter 130 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires, calcule l’observatoire.

Politiquement, les États se livrent aussi à une autre forme de concurrence : certains multiplient les régimes ultra-favorables pour attirer des particuliers aux hauts revenus. Aujourd’hui en Europe, il en existe 28, contre 5 seulement en 1995. Comme par exemple, les exonérations fiscales que la Grèce accorde aux étrangers investissant 500 000 euros minimums sur son sol. Problème : Ces régimes amputent les recettes des États européens de 75 milliards d’euros au total.

Enfin, le rapport pointe les milliardaires du doigt, car ils ne paient quasiment pas d’impôts (0 % à 0,5 % sur leur patrimoine). Et ce, grâce à diverses techniques d’optimisation permettant d’éviter que les revenus qu’ils génèrent, comme les dividendes, ne soient imposables. Les économistes estiment que taxer 2 % de la richesse des 2 756 milliardaires de la planète (dont 75 en France), dont la fortune totale culmine à 13 000 milliards de dollars, rapporterait 250 milliards d’euros.

Héloïse Pieragnoli

Diplômée de l’école de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM), Héloïse Pieragnoli a intégré par la suite la Google News Initiative, où elle a pu renforcer son écriture web. Aujourd’hui rédactrice pour La Gazette de l’Entrepreneur, elle est également bénévole au sein de La Chance, pour la diversité dans les médias. Une structure qui l’avait soutenu dans le passé, afin d’accomplir son projet professionnel.