Le gouvernement annonce des économies pour 2024 et 2025. Mais la démarche est qualifiée de « politique d’austérité » par plusieurs élus de gauche. Car si une politique de rigueur peut poursuivre différents objectifs, elle se caractérise surtout par une baisse des dépenses publiques. Ou encore, une augmentation des prélèvements obligatoires.
La politique de rigueur, qu’est-ce que c’est ?
Une politique de rigueur est une politique où un État réduit les dépenses publiques. Il peut aussi augmenter les prélèvements obligatoires (impôts, taxes, cotisations sociales). Quand elle est menée, c’est pour réduire l’inflation ou le déficit public. Ce déficit provient de l’État et des autres administrations publiques lorsque leurs dépenses excèdent leurs recettes.
Avec les économies annoncées, le gouvernement français veut diminuer le déficit public. Il prévoit ainsi de le porter à 4,4% du PIB fin 2024. Puis à 3% fin 2027, contre plus de 5% fin 2023. Pour l’instant, le gouvernement exclut d’accroître les prélèvements obligatoires, préférant agir sur les dépenses. À savoir que depuis 1975, la France enregistre chaque année un déficit public, essentiellement creusé par l’État.
Pourquoi poursuivre une telle politique ?
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles le gouvernement veut réduire le déficit public. L’une d’entre elles est le respect des règles européennes.
En effet, pour garantir la stabilité de l’économie européenne, les États membres de l’UE sont tenus de limiter leur déficit public à 3% de leur PIB. Cela a été décidé en 1992, lors de l’adoption du traité de Maastricht. La France a respecté cette règle seulement neuf fois. La dernière, c’était en 2019.
Une autre raison est la maîtrise de la dette publique. Pour financer son déficit, l’État emprunte de l’argent sur les marchés financiers à travers l’émission d’obligations, qui donnent lieu au paiement annuel d’un intérêt. En raison de l’inflation et de l’augmentation des taux d’intérêt directeurs décidée par la Banque centrale européenne, l’État français emprunte à des taux de plus en plus élevés et doit donc consacrer une part croissante de son budget au paiement des intérêts.
La dette publique est « un mécanisme anti-redistributif » dans la mesure où « l’ensemble de la population paie des impôts pour que l’État verse des intérêts aux détenteurs » des obligations d’État « qui comptent en général parmi les plus fortunés », précisait l’économiste Jean-Marc Daniel dans un article de 2023.
À noter qu’en 2022, les dépenses publiques ont représenté 58,3 % du PIB de la France, contre 34,7 % en 1960, selon les données de l’institut national de statistiques Insee. Cette part place la France au premier rang des pays de l’UE pour le niveau de ses dépenses publiques, selon les données de l’institut européen de statistiques Eurostat. Fin 2022, les dépenses publiques représentaient en moyenne 50,9 % du PIB des États membres de l’UE.
Les oppositions à la politique de rigueur
Une telle politique agit directement sur la demande des ménages, des entreprises, ou encore des administrations publiques. Le plus souvent, sa conséquence est de freiner la croissance économique à court terme. Elle peut aussi contribuer à accroître les inégalités sociales. Une politique d’austérité a également un coût humain élevé. C’est ce que constate les chercheurs David Stuckler et Sanjay Basu, dans un ouvrage de 2014. S’appuyant sur l’analyse de statistiques internationales de santé publique, ils examinaient les conséquences des mesures de rigueur pour les populations. Ils montraient qu’en raison des coupes effectuées, en particulier dans les aides sociales et dans la prévention, elles aboutissent à une augmentation des maladies, des suicides et de la consommation de drogues et d’alcool ainsi qu’à la diminution de l’espérance de vie.
Une politique de rigueur est une politique économique restrictive
Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et le ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave, ont été auditionnés par la commission des Finances de l’Assemblée nationale puis par celle du Sénat en mars 2024. Ils ont alors annoncé que les économies de 10 milliards d’euros sur le budget de l’État pour 2024 n’étaient qu’ « une première étape ». En effet, pour les deux ministres, il faudrait faire « au moins 20 milliards d’euros d’économies supplémentaires » en 2025, contre 12 milliards initialement prévus.
Si les économies de 10 milliards d’euros sont uniquement supportées par l’État, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave ont prévenu que l’effort attendu en 2025 devrait être « partagé par tous », y compris donc par la Sécurité sociale et par les collectivités territoriales. Plusieurs élus de gauche les ont accusés de mener une « politique d’austérité », à l’instar du député LFI Éric Coquerel. Le gouvernement « continue à s’enferrer dans une logique contraire à l’intérêt économique du pays et dont vont pâtir énormément de nos concitoyens », a-t-il estimé au micro de France Info.
Une politique qui ne fait pas consensus auprès des professionnels
Mais pour Thomas Cazenave, les économies programmées ne relèvent pas d’une politique de rigueur. « On est très loin de l’austérité. Les dépenses de l’État ont augmenté de 23 % entre 2019 et 2023 », rappellle-t-il lors de son audition au Sénat, tout en soulignant que plusieurs budgets touchés par le décret de février restaient malgré tout en augmentation sur un an.
Quant aux économistes, ils sont divisés à propos de la nature de l’effort envisagé par le gouvernement. Les économies attendues ne relèvent pas d’une politique de rigueur pour Éric Heyer, qui recommande toutefois de « ne pas aller trop vite » dans la réduction des déficits publics. Thomas Porcher défend le point de vue inverse, estimant que de telles économies ne sont « jamais indolores ». L’État français n’a jamais mené une politique d’austérité stricte consistant à baisser les pensions de retraite ou les salaires des fonctionnaires, comme l’ont fait la Grèce ou le Portugal au début des années 2010.